Dans un pays aussi centralisé que la France, est-il vraiment possible de concevoir une démocratie qui parte du local ? Plus de quarante ans après le vote, au début du premier mandat de François Mitterrand, des premières lois organisant la décentralisation du pays, la question se pose toujours. De la Cour des comptes aux élus locaux, tous demandent des changements, tantôt une refonte, tantôt une révolution. Christophe Chabrot, lui, souhaite complètement changer de logiciel. Depuis sa thèse portant sur la centralisation territoriale, en 1997, il continue de disséquer le fonctionnement démocratique français et ses déclinaisons locales. Cela fait cinq ans qu’il conçoit même un nouveau modèle qui mettrait à plat toute l’organisation territoriale à la française. C’est ce que Christophe Chabrot appelle la « domocratie », le passage du règne du peuple (demos) à celui des habitants (domus).
De cette innovation linguistique découleraient plusieurs conséquences concrètes : davantage d’instances citoyennes, le droit de vote aux étrangers ou l’augmentation des droits de l’opposition pour renouveler et mieux équilibrer les échanges politiques au sein des collectivités. Surtout, c’est le rapport même de l’Etat au local qui doit être repensé, selon lui : « La France est vraiment l’un des pays les plus diversifiés, les plus multiples d’Europe, que ce soit d’un point de vue linguistique, ethnique, géographique… Or, depuis la Révolution française, on a refusé toute altérité, toute légitimité du territoire face à la parole nationale du souverain. » Plus de deux cent trente ans après la Révolution, il s’agirait maintenant, pour le chercheur, de faire coexister les deux.
En quoi la ville de Montréal est-elle proche de votre concept de « domocratie » ?
Montréal a une dynamique démocratique intéressante. Le Canada est un état fédéré et le Québec essaie de défendre une identité, ce qui, peut-être, rapproche le système décisionnel des citoyens ou des habitants. Sur le modèle de la charte européenne de sauvegarde des droits de l’homme dans la ville, initiée par la commune francilienne de Saint-Denis, en 1998, Montréal essaie de promouvoir ce que l’on peut appeler des « droits de l’homme local », avec l’idée que les habitants ont un réel droit de regard sur la gestion locale.
Il y existe, par exemple, un droit de pétition : si 15 000 signatures sont réunies, un processus de concertation, de référendum local qui s’impose aux élus, peut être engagé. On y trouve aussi un « ombudsman », un défenseur local des droits, qui permet aux habitants de saisir la municipalité sur des problèmes administratifs. Cela se rapproche de mon idée de « domocratie », où les autorités locales instituées ne capturent pas le pouvoir, mais sont au service des habitants et prennent leur volonté en compte.
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